Le souvenir est flou mais le sentiment désagréable et angoissant qui me prend à chaque fois que j'essaye de me rappeler, me suggère que cet événement ne fut surement pas le plus joyeux de mon existence. Une chose est sur, j'étais encore une enfant. Et tout s'est déclenché alors que je piquais une grosse crise de colère. J'ignore quelle était la raison de mon dérapage, mais ma mère m'a dit qu'à l'époque, un rien pouvait me faire sortir de mes gongs.

En réalité, il y avait cette chaleur, ce feu en moi qui ne demandait qu'à sortir, d'une manière où d'une autre. Une fois que c'est arrivé, j'arrivais un peu mieux à maitriser mes élans de fureurs. J'avais surement juste besoin d’extérioriser et quand le feu ne pouvait pas sortir, c'était la colère qui prenait le dessus. Encore maintenant, je sens que je peux partir en live pour un rien. Mon sang bouillonne dans mes veines et quand j'entre en crise, je le sens courir dans mon corps et brûler chaque parcelle de mon âme.

Concernant ma première fois, je n'ai que de vagues flashs bien trop courts pour m'aider à vraiment comprendre ce qu'il s'est passé. Je vois les flammes dans mes paumes. Je sens la chaleur m'étouffer. J'entends des cris. Ma vue se trouble. Et je tombe.

C'est bon signe à votre avis ?

Je n'ai jamais vraiment su si mon penchant impulsif et colérique venait de ma mutation et de la capacité qui en découla. Est-ce parce que dans mon corps, brûle cette étincelle capable d'allumer une flamme dans ma paume, que je peux être si hargneuse ? Car mon côté impulsif et téméraire est bien ce qui me caractérise le mieux.

Je n'arrive pas à réfléchir avant d'agir. Je pars au quart de tour. Je suis énergique et fatiguante. Un rien m'énerve, un rien me blase, un rien m'agace et je le fais bien savoir ! J'aime tester la portée de mes cordes vocales. J'aime casser les gens en leur balançant leur quatre vérités en plein visage - non mais en plus qui suis-je pour critiquer vraiment ? Bref, les disputes sont un passe-temps tout à fait stimulant pour moi. J'adore les débats. Et je crois honnêtement que je prends plaisir à faire chier le monde autant qu'il m'emmerde.

La seconde qualité, ou plutôt défaut qui me caractérise bien : c'est ma curiosité. Je ne me lasse pas de découvrir de nouvelles choses, des plus stupides et anodines aux plus complexes et recherchées. C'est d'ailleurs ce goût de la nouveauté et de l'apprentissage, qui me donna envie de devenir psychologue. Moi qui suis tellement énervée par les autres, je ne peux m'empêcher d'être fascinée par eux. J'adore les entendre me parler, j'adore essayer de les comprendre et j'adore les aider (ou pas). Ma manière d’amorcer cette "aide" est certes - il faut l'avouer - parfois particulière, mais j'aime à croire que ça porte malgré tout ses fruits.

Sexe féminin. Taille moyenne. C'est les mots que tapaient l'agent dans le descriptif me concernant. Génial ! Je venais à peine d'arriver dans cette nouvelle ville et je finissais déjà au poste avec en prime, l'ouverture de mon casier judiciaire. Mais quelle journée fantastique !

- Vos cheveux sont de quels couleurs ?

Mes sourcils se relevèrent légèrement et je demeurais silencieuse quelques secondes avant de poser mes coudes sur le bureau de cet abrutit congénital. Les menottes attachées à mes poignets émirent un bruit métallique en s'entrechoquant. A cause d’elles, le serpent tatoué contre mes veines ne se voyait même plus.

- C'est une blague ? répondis-je blasée.
- Vos cheveux sont de quels couleurs ? insista-t-il aigris.

Un soupire traversa mes lèvres alors que je me rasseyais contre mon siège. Si il y avait bien une chose qu'on remarquait au premier regard chez moi, c'était mes cheveux ! Longs, affreusement volumineux et verts ! C'est le genre de chose qui se repère de loin en général. Mais cet idiot continuait de me fixer hargneusement, attendant que je daigne lui répliquer l'évidence.

- Verts, grognai-je.
- Yeux ?
- Verts, répétai-je agacée.
- La raison qui vous a poussez à frapper cette enfant ?


Ah, on entrait dans le vif du sujet.


- Je suis psy. C'est mon travail d'aider les autres.
- En les battant ?


Tout de suite les grands mots... Une simple gifle... Il l'avait bien mérité en plus ce sale mioche !


- Écoutez mademoiselle, je sais qu'une femme comme vous a tendance à s’appuyer sur ses atouts physiques pour s'en sortir mais...
- Mes atouts physiques ? grognais-je en le balayant du regard.


Alors sous prétexte que je ne ressemblais pas totalement à un laideron, la vie me souriait et je vivais dans un monde remplis de paillettes roses ? Mais c'était quoi cette remarque stupide ?!


- Vous êtes belle et je suis sûr que vous le savez, continua-t-il en mâchouillant son stylo. Mais vous ne vous en sortirez pas cette fois.
- Comment ça cette fois ?
- J'ai un ami qui habite à Tel Aviv et vous y êtes connus. Ca n'est pas la première fois que vous finissez au poste n'est-ce pas ?


Je grognais en guise de réponse. C'était bien ma veine ça, tomber sur l'ami d'un flic de Tel Aviv - mon dernier lieu d'habitation, il y a quelques mois.


- Il m'a dit qu'une nuit, vous avez réussi à vous faire libérer en montrant quelque chose au chef du commissariat... En privé. Vous aviez parié que vous arriveriez à le surprendre.
- Et donc ? Pour vous ça signifie donc que j'ai vendu mon corps ?
- Y'a-t-il une autre raison valable ?


Il y en avait bien une autre en réalité... Une seule autre raison que je me suis bien gardé de révéler. En réalité, il suffisait juste d'admettre que les mutants étaient plus nombreux que tout le monde aimait à le penser et que l'un d'eux se tenait justement en face de lui...

Nous rassembler est une bonne chose, en tout cas, pour nous les mutants. Nous sommes tous tellement craints et stigmatisés à l'extérieur, qu'un peu de tolérance et une vie sans secret ne peut nous être que bénéfique. Pour les non-mutants par contre, j'imagine leur crainte... La paranoïa risque de grimper en flèche au dehors, surtout quand ils se rendront compte du nombre impressionnant que nous sommes et que ce nombre ne cessera d'augmenter. Ca sera une belle pagaille ! J'ai hâte personnellement. Ca me donnera du travail.

Pour le soutient psychologique étant donné que je suis psy, j'aime à croire que j'arriverais à m'en sortir à ce niveau. Mais bon, qui sait ?

Vu que la dernière fois qu'un homme m'a insulté, je n'ai pas senti les flammes venir et qu'il se les ait donc prises en pleine tronche, en plus de la gifle que je lui ai collé, je pense avant tout que j'ai du chemin à faire. Quand je saurais maitriser mes émotions, que j'arriverais à faire apparaitre et disparaitre mes flammes quand je le veux et comme je le veux, je serais proche du but. Ensuite, je me vois bien conseiller et aider ceux qui sont dans mon état actuel, c'est à dire : ingérable.